Alors que les premières épreuves du baccalauréat débuteront dans trois semaines, les jeunes souhaitant suivre des formations supérieures ont pour la plupart, finalisé leurs vœux d’orientation. Cette année, ils seront sans doute encore plus nombreux que les années précédentes à placer la première année de licence STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives) en tête de cette liste et, malgré l’obtention du sésame ouvrant les portes des études supérieures, encore plus nombreux à ne pas pouvoir l’intégrer.

Leur erreur ? Ne pas avoir réussi « l’examen » final : un tirage au sort qui décidera de quel bachelier pourra suivre la formation STAPS ou non. Le tirage au sort ? C’est avant tout un moyen de sélection égalitariste, mis en place pour que le nombre d’étudiants soit en cohérence avec les moyens mis à disposition par l’Etat aux Universités. Outre les difficultés financières de l’enseignement supérieur, et le caractère injuste de ce moyen de sélection, posons la question de fond que nous amène cet état de fait : notre offre de formation aux métiers du sport permet-elle l’élaboration de parcours éducatifs cohérents et articulés ?

 

Un système de formation complexe et illisible …

Les métiers du sport constituent un champ aux limites imprécises, dont l’étendue est tributaire de la définition choisie du sport. Si l’on se limite à une définition minimaliste des métiers du sport, à savoir l’encadrement des APS (activités physiques et sportives) réglementé par le code du sport, la France compte 4 types de certifications différentes : les diplômes du Ministère de l’Enseignement Supérieur (STAPS), ceux du Ministère des Sports (BPJEPS, DEJEPS, DESJEPS), les certificats de qualification professionnelle (CQP) et les titres à finalité professionnelle (TFP). D’un niveau infra-bac au bac+8, ce sont plusieurs centaines de certifications[1] différentes qui permettent d’exercer dans ce champ sportif réduit. Même en imaginant qu’un bachelier ait un projet professionnel bien défini dans ce champ, il est hautement improbable qu’il puisse choisir la voie la plus à même de l’y conduire dans ce labyrinthe.

 

… pour des métiers aux enjeux multiples

Si le sport n’est pas considéré principalement comme apportant une plus-value éducative, intégrative, sanitaire ou sociale, il a néanmoins très largement pénétré les politiques publiques en la matière. De l’enseignant d’éducation physique et sportive (EPS) à l’animateur sportif, en passant par l’enseignant en activités physiques adaptées (EAPA) intervenant en soins de suite ou dans les clubs pour certains patients, les professionnels du sport sont de plus en plus présents dans la vie des français. Dès lors, la question de la formation de ces professionnels relève tout autant de leur intérêt particulier, que de celui de leurs élèves, licenciés ou patients : de l’intérêt général. En l’état, il n’est pas évident que notre système de formation aux métiers du sport permette de répondre pleinement aux enjeux aujourd’hui associés au sport.

 

Réformer la formation sport : des intentions politiques ne menant à aucune action

L’illisibilité du système n’est pas inconnue des décideurs politiques, les deux candidats au second tour de l’élection présidentielle de 2012 avaient chacun leurs propositions de réforme en la matière. Si pour juger d’un mandat, la raison invite d’en attendre le terme, autorisons-nous à faire un point d’étape sur l’action du Ministère en charge des sports. « Revoir en profondeur la formation de l’encadrement du sport », tel était l’engagement du candidat Hollande, qu’en est-il après trois ans ?

Aucune action allant en ce sens n’est à noter, et bien au contraire, la suppression du CAFEMAS[2] (Centre d’Analyse des Formations, Emplois et Métiers dans l’Animation et le Sport), dont l’un des objets était la recherche d’une meilleure harmonisation emploi/formation dans le sport, et dont la qualité des travaux est reconnue, a été rejetée par les acteurs du dialogue social. Un comité interministériel a depuis été créé pour s’emparer de cette question, mais force est de constater qu’il n’a eu aucune utilité depuis sa création. Même constat au niveau européen : alors que la commission européenne travaille activement à une amélioration de la mobilité des jeunes et des travailleurs et à la valorisation du bénévolat dans le champ du sport, la France brille par son manque d’investissement.

 

De la nécessité d’une réforme

La rentrée 2015 approche, et elle ne sera pas différente des précédentes : ceux qui subissent les pots cassés de ce système, ce sont les jeunes et en particulier ceux qui ne suivront pas la formation de leur choix en septembre, ou qui ne suivront aucune formation. Ceux disposant de moyens suffisants pour partir étudier à l’autre bout du territoire dans une des rares UFR STAPS n’atteignant pas sa capacité d’accueil maximale pourront peut-être contourner le problème, mais combien de jeunes notre service public éducatif laisse-t-il sur le carreau chaque année ? Cette situation ne peut plus durer, une réforme urgente et d’ampleur de la formation sport est indispensable.

Urgente, car il est inconcevable qu’une génération de plus fasse les frais de ce système illisible, qui place chaque année des centaines de jeunes au pied du mur, sans possibilité de s’épanouir et de construire sereinement leur avenir.

D’ampleur, car il ne s’agit pas de modifier des contenus de diplômes, mais bien de repenser l’architecture du système de formation, les structures y intervenant et leurs interactions, pour que les acteurs du sport répondent toujours plus efficacement aux missions qui leurs ont été confiées. Cela implique notamment de renforcer les liens entre les UFR STAPS et l’ensemble des acteurs du sport, et ainsi mettre en commun leurs infrastructures et compétences. Le sport peut et doit répondre à de nombreux enjeux sociétaux, à la plupart des maux qu’on lui prétend pouvoir guérir, mais pas dans n’importe quelles conditions.

Les jeunes observeront avec intérêt les actions que le gouvernement mettra en place dans les mois qui viennent. Mais si la frilosité due au contexte hivernal des prochaines élections régionales doit guider ces actions plus que de raison, il ne fait pas de doute qu’ils en tireront les enseignements nécessaires.
[1] Retrouvez la liste complète à l’annexe II-1 (art. A212-1) du code du sport.
[2] Cette suppression avait été dénoncée par le CNESER, puis par le CSE

 

Laurent Beauvais – Président de l’ANESTAPS
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